Dans le monde romain, les amulettes étaient des objets conçus pour protéger, guérir ou attirer la bonne fortune. Elles étaient utilisées pour contrôler les forces surnaturelles et pour exercer un pouvoir au bénéfice de leur porteur, soit en évitant le mal, soit en procurant des avantages positifs. Leur usage était très répandu dans l'Empire romain. La croyance en ces pratiques était considérée comme une tradition culturelle invétérée.

L'une des plus grandes peurs des Romains était le mauvais œil (fascinum), et les amulettes constituaient un mécanisme fondamental pour s'en protéger. On croyait que le regard envieux d'une personne pouvait causer du tort. Les amulettes agissaient en attirant le regard de l'« envieux » (ou « jeteur de sort »), l'empêchant de se fixer sur la victime. Outre le mauvais œil, les amulettes étaient utilisées pour se protéger des maladies, des attaques spectrales, des malédictions et de la malchance.

Il existait divers types d'amulettes. Les amulettes phalliques (fascinum) étaient les plus courantes et représentaient le pénis. Le phallus était considéré comme la source primordiale de santé, de fertilité, de prospérité et d'abondance. Ces amulettes étaient très efficaces contre le mauvais œil. Elles pouvaient être des pendentifs (parfois ailés), des bagues, des broches, ou être placées sur des objets tels que des peignes ou des miroirs.

On les trouvait dans divers contextes : portées au cou par des individus, dans les berceaux des bébés, dans les commerces pour attirer la bonne fortune, sur les murs des maisons et des négoces, dans les lieux publics comme les rues, les ponts ou les aqueducs, et même accrochées sous le char du général triomphant pour le protéger de l'envie.

Elles étaient courantes dans les milieux militaires et portées par les soldats. Elles étaient fabriquées en matériaux tels que le bronze (très courant), l'argile, la pierre, le plomb, l'os, l'ambre, et parfois combinées avec d'autres symboles comme la main figue (higa).

Ce geste apotropaïque, le poing fermé avec le pouce entre l'index et le majeur, était souvent combiné à la représentation du phallus sur la même amulette, ou apparaissait conjointement dans des représentations plus larges. La higa était un autre puissant symbole protecteur qui, en s'unissant au phallus, renforçait la protection. Le geste était aussi parfois interprété comme la représentation de l'union sexuelle (pénis dans le vagin), ajoutant un fort symbolisme de fertilité et de vie capable de contrer la stérilité ou le malheur associés au mauvais œil. Elle était associée à la protection contre le mauvais œil et à un symbolisme lié à la combinaison des sexes. Elle pouvait apparaître seule, mais faisait souvent partie d'amulettes (pendentifs) plus complexes incluant des représentations phalliques.

Elle est également connue sous le nom de « main impudique » ou mano in fica ; c'était un geste et une amulette apotropaïque utilisés dans l'Antiquité. Actuellement, le terme « fica » est utilisé en italien pour désigner l'organe sexuel féminin.

Amulette phallique en bronze du Ier siècle apr. J.-C., de 7,3 cm de large, découverte à Italica et exposée au Met. Cette amulette incorpore trois symboles distincts : le phallus, les organes génitaux masculins et la main figue (un geste obscène de la main). Tous trois étaient de puissants dispositifs apotropaïques destinés à protéger contre le mauvais œil.

La fonction principale de la main figue (higa) était la protection contre le mauvais œil. Elle était considérée comme un signe apotropaïque efficace, bien qu'à un degré moindre que le phallus (fascinum). Symboliquement, en représentant l'union du pouce entre les doigts, la higa tentait de combiner de manière symbolique les organes sexuels masculins et féminins. Certaines interprétations de la mano in fica suggèrent qu'elle dénote le sexe féminin et que l'amulette représente à la fois un "prototype" de l'amulette et "quelque chose de plus". Dans le contexte des fascinum suspendus, la higa apparaissait souvent combinée à des représentations phalliques. Elle pouvait faire partie d'une amulette double, où une tige cylindrique se terminait par un gland à une extrémité et par la higa à l'autre. Dans le cas des amulettes triples, la higa était parfois représentée comme l'un des bras latéraux formant un croissant de lune, tandis qu'un autre bras était un pénis en érection et le troisième phallus était frontal. Bien qu'il ait été observé que dans les représentations de ces amulettes, la higa pouvait apparaître sur le bras droit ou gauche, sa position semblait aléatoire et n'avait pas de symbolisme magique fixe, contrairement à la disposition en forme de cornes de taureau ou de croissant de lune.

Ils étaient liés à des divinités de la fertilité, notamment Fascinus et Priape. Elle symbolisait la victoire de la vie sur la mort. Le phallus représentait la puissance sexuelle et la virilité active et agressive, associée au pouvoir et à la force. Cela en faisait un combattant puissant contre les forces destructrices et les énergies négatives. La tradition d'utiliser le phallus comme symbole de bonne chance a perduré, se transformant en "cornino" de corail rouge ou d'ivoire. Il existait bien plus d'amulettes, bien que les plus fréquentes fussent les fascina.

Autres Amulettes Romaines Courantes

  • Lunulae: C'étaient des pendentifs en forme de croissant de lune. Ils étaient utilisés pour protéger les fillettes des mauvais esprits et des génies malintentionnés. Leur usage est principalement associé aux filles et aux femmes, lié à la maternité et à la fertilité. Bien que présentes depuis l'Âge du Bronze, leur origine remonte à la Mésopotamie et au Proche-Orient, en passant par l'Égypte. Elles sont moins connues que les amulettes phalliques.

  • Bullae: C'étaient des pendentifs en forme de médaillon, souvent portés par les enfants, en particulier les garçons. Elles pouvaient contenir un phallus ou un autre objet porte-bonheur. On croyait qu'elles protégeaient contre le mauvais œil et procuraient des influences bénéfiques. Leur usage est documenté depuis le VIIIe siècle av. J.-C., d'origine étrusque, et elles étaient fabriquées en bronze, plaquées or ou en or massif. Les enfants libres les portaient depuis le rituel de purification (dies lustricus) jusqu'à l'adolescence, tandis que les enfants esclaves ne les portaient pas. La bulla était pour les garçons, tandis que la lunula était pour les filles. Les amulettes infantiles se trouvent fréquemment dans les tombes d'enfants, souvent placées près du corps, ce qui suggère qu'elles étaient utilisées de leur vivant et enterrées avec eux pour qu'ils soient protégés dans l'Au-delà.

  • Tintinnabula: C'étaient des carillons à vent, souvent avec des formes phalliques (simples ou multiples). Ils étaient suspendus aux entrées des maisons et des commerces. On croyait que le son métallique chassait les esprits malins, les sorts et la malchance. Le son servait également à annoncer l'arrivée d'un client au propriétaire.

  • Gemmes Magiques: C'étaient des pierres gravées, caractéristiques de la période impériale romaine. Elles faisaient partie de la catégorie plus large des amulettes. Elles étaient souvent inscrites avec des noms divins (comme Iao, Abrasax, Adonai) et des formules magiques (voces magicae), parfois incompréhensibles même pour les Romains eux-mêmes. Elles combinaient l'iconographie de dieux de diverses cultures. Elles avaient une fonction d'amulettes, servant de protection contre les démons, les apparitions, les maux et les sorts, bien qu'elles fussent aussi utilisées en magie érotique. Leur production était très répandue dans tout l'Empire.

  • Autres Amulettes et Pratiques Protectrices: On utilisait des parties d'animaux, comme des dents de chien ou des peaux de phoque (comme celle qu'utilisait Auguste contre la foudre). Il existait des figurines en argile ou en cire, parfois liées et clouées, utilisées en magie. On utilisait aussi des objets contenant des fragments de plantes, des os d'animaux, des cheveux ou des morceaux de vêtement de la victime. Les lamelles de métal inscrites (en or, argent, bronze ou plomb) avec des prières, des formules et des noms divins fonctionnaient également comme amulettes, certaines trouvées dans des tombes. Des symboles comme les têtes de Gorgone étaient placés dans les mosaïques pour offrir une protection apotropaïque par leur regard. En plus des objets, certaines pratiques servaient de protection, comme cracher (trois fois de suite ou sur soi-même) ou faire le geste de la higa (pouce entre l'index et le majeur). Le christianisme primitif adopta également l'usage d'amulettes, connues sous le nom de phylactères, incorporant des citations bibliques, le signe de la croix ou des reliques, adaptant les traditions préchrétiennes avec une approche protectrice.

L'étude de ces objets et pratiques, souvent trouvés lors de fouilles archéologiques, comme celles de Clunia ou Pompéi, est cruciale pour comprendre la religiosité populaire et la vie quotidienne des Romains, qui allait au-delà du panthéon officiel et des rites publics.

Le Fascinum (Origine et Signification)

Bien que l'origine exacte de fascinum soit incertaine, elle est étroitement liée au concept du mauvais œil et au phallus comme moyen de le contrer, partageant de possibles racines avec des termes grecs et donnant naissance au verbe "fasciner" en latin et dans les langues modernes. Malgré cette incertitude sur l'origine du nom, diverses dérivations possibles ont été proposées : Certains érudits suggèrent qu'il pourrait dériver de fasciis, faisant référence aux bandes tricolores utilisées pour chasser les enchantements. D'autres proposent une dérivation de fando, au sens d'"incantando" (réalisant des enchantements). On considère également la possibilité qu'il provienne du mot grec bascainō. Il existe une connexion entre le terme grec bascania et les termes latins fascinatio ou fascinum, indiquant qu'ils ont la même racine et désignent une influence pernicieuse exercée par le regard d'une personne sur son environnement, parfois sans intention. Plutarque a débattu du sujet de la bascania en grec. Le terme fascinum en latin était utilisé avec de multiples significations. Il peut se référer tant au mauvais œil ou à l'enchantement lui-même ("fascination", "envoûtement") qu'à l'instrument apotropaïque utilisé pour le contrer, le phallus. Le verbe fascinare est compris comme dérivant du substantif fascinus, et signifie "ensorceler, envoûter, charmer". La capacité du pénis en érection (fascinum) à attirer les regards et à provoquer la soumission est considérée comme l'origine du mot "fasciner". Le terme fascinum se référait au membre viril précisément en raison de son usage comme l'un des moyens les plus efficaces contre le mauvais œil. Le fascinum (l'amulette ou phallus) était utilisé comme défense contre les effets préjudiciables de l'envie et de la rapacité. Il est lié à Priape, dont la figure dans les jardins garantissait la présence et l'abondance des récoltes et des animaux. Bien que principalement associé à un usage apotropaïque et rituel, le terme fascinum pouvait également être utilisé dans un sens érotique, comme le fait Horace. Le fascinum était la réponse romaine matérielle et symbolique à la menace perçue du mauvais œil (fascinatio / invidia). Son pouvoir protecteur résidait dans son fort symbolisme de vie, de fertilité et de virilité, que l'on croyait capable de repousser ou de neutraliser l'influence néfaste d'un regard envieux ou malicieux.

Le "Mauvais Œil" (Fascinatio)

Le "Mauvais Œil" était une menace basée sur la croyance au pouvoir de certaines personnes de causer des influences pernicieuses par le regard. Ce pouvoir nuisible est lancé avec le regard. Parfois, il était aussi associé à la langue ou à la parole maligne. Les causes de ce pouvoir pouvaient être deux : l'envie (invidia) ou les traits physionomiques du fascinator (celui qui lance le regard). L'envie était un facteur clé, surtout dans une société aux grandes inégalités comme la société romaine. On croyait que le mauvais œil pouvait affecter des personnes particulièrement vulnérables, comme les enfants ou les triomphateurs, les animaux ou les possessions. Il pouvait causer la maladie, la malchance, ou la perte de possessions. Pline l'Ancien mentionne que certains "enchanteurs" africains pouvaient même tuer du regard fixe, surtout s'il dénotait de la colère. L'acte de "fasciner" impliquait d'enchanter, d'ensorceler, ou même de pétrifier, paralyser ou entraver. Le regard était vu comme un moyen puissant d'influence.

Le Fascinum comme Remède

Le fascinum est apparu comme un remède apotropaïque face à cette menace. Il se réfère à la représentation du phallus en érection ou à l'objet phallique utilisé comme amulette. Curieusement, le terme fascinum ou fascinus pouvait aussi se référer au mauvais œil lui-même. Sa fonction principale était apotropaïque, c'est-à-dire dévier, contrer ou éloigner le mauvais œil et les influences malignes. La représentation phallique agissait comme un "aimant" ou "paratonnerre" psychique, attirant le regard du fascinator vers l'objet obscène ou voyant au lieu de se fixer sur la victime. Étant un objet insolite, extravagant (átopon) ou ridicule (geloíon), notamment par son caractère grotesque ou obscène, le regard nuisible se fixait sur l'amulette au lieu de la personne ou de l'objet que l'on souhaitait protéger. Les figures qui avaient une apparence "gracieuse" ou sur lesquelles on accentuait des détails obscènes étaient considérées comme de bons apotropaia. Le rire (geloia) a le pouvoir d'éloigner l'envie et la malveillance. Pour les Romains, le rire était l'opposé de l'angoisse produite par les forces obscures du mal. Psychologiquement, il est difficile de maintenir un haut niveau d'énergie négative pendant ou après le rire. La nature obscène du phallus pouvait aussi générer un choc ou une aversion immédiate chez le fascinator, le forçant à détourner le regard. Cela faisait partie des pratiques superstitieuses appelées praebia (remedia in collo puero, remèdes au cou de l'enfant) pour éloigner le mauvais œil. Le choix du phallus comme remède était basé sur son symbolisme de santé, fertilité, prospérité, abondance, virilité et pouvoir. Il représentait la victoire des forces reproductrices sur la mort, ce qui en faisait l'antithèse du pouvoir destructeur du mauvais œil. Il était considéré comme le meilleur medicus invidiae (remède contre les envieux et médisants). La croyance au mauvais œil et l'usage d'amulettes comme le fascinum étaient profondément ancrés dans la superstition et les pratiques magico-religieuses du monde romain. Pour les Romains, le fascinum était un élément fonctionnel et protecteur, non nécessairement associé à l'obscénité au sens moderne. Il symbolisait la vie et la force face au mal. Bien qu'il existât une distinction entre la religio (pratiques étatiques et acceptées) et la superstitio (pratiques excessives ou non approuvées), le fascinum se trouvait dans les deux domaines, de sa garde sacrée dans le temple de Vesta à son usage généralisé comme amulette personnelle ou décoration quotidienne.

Contexte Mythologique et Rituel

La représentation du phallus apparaît dans des mythes anciens liés à la fécondation et à l'origine de héros fondateurs. Il existe un mythe italique ou étrusque adapté par Plutarque où un phallos, tantôt de feu, tantôt de cendre, émerge d'un foyer domestique (le foyer du roi, comme Tarquin l'Ancien) et conduit à la conception surnaturelle de figures comme Servius Tullius et, dans certaines versions, Romulus et Remus. Cela connecte la représentation phallique au foyer sacré ou royal, à la fertilité divine et à la légitimation de la royauté depuis ses origines. Augustin d'Hippone (IVe/Ve siècle apr. J.-C.), en critiquant les pratiques païennes, mentionne une cérémonie avant la consommation du mariage où la nouvelle mariée devait simuler de monter sur le scapus (pénis) du dieu Priape, interprété comme un rite pour propicier la fertilité et la vigueur. Bien que cette description soit tardive, elle réfère à une pratique considérée comme ancienne. Il mentionne aussi Tutunus Mutunus, également connu sous le nom de Mutinus Tutunus, une divinité phallique italique et romaine primitive, dont le culte fut ultérieurement intégré au contexte religieux de Rome. Sa figure représente l'une des manifestations les plus archaïques de la sacralisation du phallus dans le monde romain, liée à la fertilité, la procréation et la protection contre les forces malignes. Le nom présente une redondance sonore délibérée : Mutunus dérive d'une forme archaïque de "phallus" (lié à mutto, terme vulgaire pour pénis), et Tutunus pourrait être un écho phonétique sans signification claire ou une variante de Tutinus, associée à la protection. La répétition renforce la charge symbolique du dieu en tant que pouvoir générateur absolu, presque totémique. Il était représenté comme un phallus dressé, parfois on y incorporait des traits anthropomorphes minimes, mais l'élément central était la puissance sexuelle. Son culte semble avoir eu des images ou statuettes phalliques, souvent situées dans des espaces domestiques ou des lieux liminaires (seuil, entrée), à des fins apotropaïques. Selon des sources comme Arnobe et Augustin d'Hippone (critiques chrétiens du paganisme), les jeunes mariées romaines s'asseyaient sur le phallus du dieu avant leur première relation sexuelle conjugale, comme rite symbolique de transition. Ce geste avait une charge d'initiation sexuelle et de purification qui s'inscrivait dans un contexte de religion domestique plus que publique. Mutunus Tutunus n'est pas un "dieu de la fertilité" au sens agricole, mais un genius generandi, une force brute de génération qui devait être canalisée et ritualisée. Son association avec le mariage et la sexualité féminine suggère une forme de religion génitale que Rome hérita de cultes italiques préclassiques, ensuite tolérés mais marginaux dans la religiosité officielle. À l'époque impériale, le culte fut ridiculisé ou réinterprété comme superstition populaire. Les sources chrétiennes le mentionnent avec moquerie, mais ce sont elles qui ont transmis la majeure partie de l'information. La fonction apotropaïque de Mutunus survécut, dissoute dans les amulettes phalliques, fascina, et d'autres formes de culture matérielle. Le fascinum faisait également référence à la représentation du phallus et était lié à la divinité Fascinus. Pline l'Ancien appelle cette divinité le "médecin de l'envie" (medicus inuidiae). Le fascinum était vénéré comme la personnification du dieu Fascinus, qui combattait le mauvais œil, favorisait la germination des plantes sèches et aidait à l'accouchement des femelles stériles. L'obscène (obscaenum) pouvait être synonyme de mauvais augure et en même temps de protection. Le dieu Fascinus était essentiellement un phallus, et son culte était confié aux Vestales romaines. L'image sacrée phallique par excellence, le Fascinus, était gardée dans le temple des Vestales, conservée dans le penus Vestae, un cubiculum à l'intérieur du temple où étaient gardés les objets sacrés. Elles rendaient un culte sur un autel à l'incarnation du phallus divin, le Fascinus Populi Romani, constituant l'une des références sacrées de la ville de Rome. C'était une figure de culte, non une amulette personnelle. On vénérait aussi un phallus lors de sacrifices liés à la reproduction du peuple romain, représenté par Liber Pater.

Le Cas de la Cueva Román (Clunia)

Dans les années 1980, l'exploration systématique de la Cueva Román, un complexe karstique (un système de grottes) situé sous l'Alto de Castro, près de la ville romaine de Clunia Sulpicia, a été menée et de nombreuses preuves de l'époque romaine ont été trouvées, mettant particulièrement en évidence les inscriptions épigraphiques dans l'argile de la grotte. La présence de figures à côté de ces inscriptions dans l'argile a conduit à une interprétation initiale de ce lieu comme un possible sanctuaire priapique. Cette identification était basée sur l'existence de représentations phalliques. Cependant, malgré les propositions sur son caractère sacré, les preuves suggèrent plutôt que la Cueva Román était un espace transformé pour l'exploitation hydrique par les habitants de l'Alto de Castro. Les inscriptions épigraphiques trouvées dans la grotte ne mentionnent aucune divinité, mais des noms d'hommes réels, des magistrats publics du municipium, ce qui suggère des activités professionnelles liées au contrôle de l'eau et à la documentation des effets des transformations qu'ils réalisaient sur l'aquifère. Bien que l'interprétation du site comme sanctuaire priapique ait été réévaluée, la présence de figures à caractère phallique dans l'argile est bien documentée. Spécifiquement, on mentionne une "Figure ithyphallique à gauche avec vase aux pieds" et un "Grand phallus avec inscription". Les figures ithyphalliques sont celles qui ont le pénis en érection. Le matériau de la grotte, la boue, a permis ces représentations directes. À côté de ces figures ithyphalliques et phalliques, d'autres représentations diverses ont également été trouvées dans l'argile, comme un oiseau et un masque. Les représentations phalliques, y compris les ithyphalliques, étaient des symboles très répandus dans le monde romain. Leur fonction principale était apotropaïque, c'est-à-dire qu'on croyait qu'elles protégeaient contre le mauvais œil (fascinum) et les mauvais esprits. Elles étaient aussi fortement associées à la fertilité, la prospérité et la bonne chance. Ces représentations phalliques apparaissaient dans une grande variété de contextes, non seulement comme amulettes personnelles, mais aussi sur des éléments architecturaux, des sculptures (comme le dieu Priape, connu pour son énorme phallus, ou les hermès), des peintures, des mosaïques, des objets quotidiens, et des graffitis.

Fonctions et Usage du Fascinum

La fonction du fascinum en tant qu'objet dans la Rome antique était multifacette, servant principalement de puissante défense magique contre le mauvais œil et l'envie, tout en attirant la fertilité, la prospérité et la bonne fortune. Cette double fonction en faisait un gardien omniprésent dans la vie romaine, protégeant les individus, les foyers, les commerces et les espaces publics. Les fonctions principales de ce phallus apotropaïque étaient la protection contre le Mauvais Œil et l'Envie. C'est sa fonction la plus remarquable. Il était considéré comme un outil fondamental et extrêmement efficace contre la "fascination" ou l'"envoûtement". La représentation phallique œuvrait pour dévier le regard pernicieux du fascinator, l'obligeant à se détourner de la victime et à se diriger vers l'amulette phallique elle-même, considérée comme voyante ou obscène. On croyait que sa simple contemplation pouvait générer la surprise, la rougeur et un pouvoir quasi hypnotique à effet apotropaïque. Il pouvait protéger en distrayant, en confondant, en attirant ou en repoussant le démon ou l'esprit malin responsable du mauvais œil. On pensait que le regard de certains êtres (mythiques comme les Cyclopes ou la Gorgone) pouvait causer du tort, et les remèdes cherchaient à ce que le "fascinateur" détourne son regard vers un objet insolite, extravagant ou ridicule. Le phallus était considéré comme l'un des moyens les plus puissants pour y parvenir. Le fascinum était associé au pouvoir fécondant de la Nature. Il était vénéré comme la personnification du dieu Fascinus, à qui l'on attribuait la capacité de produire la germination des plantes sèches et de favoriser la grossesse des femelles stériles. Il est aussi lié à Priape, dont la présence dans les jardins et potagers garantissait l'abondance des récoltes et des animaux, en plus d'éloigner les oiseaux et les bêtes nuisibles. Par conséquent, au-delà de la protection, le fascinum remplissait également une fonction positive d'attraction de la bonne chance, de la santé, de la prospérité et de l'abondance. Le fascinum était une amulette ou un élément prophylactique utilisé pour protéger des individus et des lieux spécifiques. C'était un gardien (custos), mentionné explicitement comme protecteur des empereurs et, surtout, des enfants. Les amulettes phalliques suspendues, souvent de dimensions réduites et de faible poids, suggèrent qu'elles étaient portées, possiblement par des enfants. On l'utilisait aussi pour la protection des habitations, en le plaçant dans les berceaux, sur les murs ou aux entrées, et des commerces, souvent situés aux entrées pour attirer la bonne chance. Il est intéressant de noter sa présence dans des lieux publics et des infrastructures comme les rues, les ponts, les aqueducs et les édifices publics, parfois représenté sur des reliefs. La fréquence des amulettes phalliques dans les environnements militaires frontaliers (limesphalli) suggère qu'il s'agissait d'une pratique magique habituelle parmi les troupes. On en a trouvé à Vindolanda, en Bretagne, Aquincum et Sirmium en Pannonie, Arras, Les Mureaux en Gaule, entre autres. L'abondance d'amulettes phalliques dans les zones frontalières militaires suggère que la culture militaire, avec ses besoins spécifiques de protection et de cohésion, fut un facteur important dans la diffusion et la concentration de ces objets dans ces zones. Les troupes, en se déplaçant, agissaient aussi comme vecteurs de diffusion culturelle, apportant ces pratiques dans différentes provinces. Une des fonctions notables du fascinum était de protéger non seulement les bébés, mais aussi les généraux. Pline l'Ancien rapporte que le fascinum était suspendu sous les chars des généraux triomphants pour les défendre de l'envie. Les généraux triomphants, en se séparant de l'humanité pendant le jour de leur triomphe et courant le risque de provoquer l'envie des dieux ou de déchaîner des forces du mal, étaient protégés par un fascinum suspendu sous leur char. Les Vestales gardaient le fascinus qui était attaché sous le char des généraux triomphateurs. Ce phallus divin symbolisait l'énergie virile combattant les impuretés et maléfices invisibles qui menaçaient la gloire de Rome.

Diversité de Formes et Matériaux

La fonction apotropaïque et propitiatoire du fascinum se manifestait à travers une variété d'objets et de représentations. Ceux-ci incluaient des amulettes suspendues de diverses typologies (simples, doubles, triples, ailées, etc.), des amulettes non suspendues comme les tintinnabula (carillons, dont le son était aussi cru protecteur, qui pendent de représentations phalliques), et des représentations sur divers supports architecturaux, sculpturaux et picturaux (reliefs sur les murs, édifices publics, pierres tombales ; figures de Priape, Hermata phalliques ; peintures et mosaïques). Ces objets étaient fabriqués dans des matériaux variés comme le bronze, l'argile, la pierre, le plomb, l'os ou l'ambre. Les fascinum en tant qu'objets se manifestaient dans une large diversité de formes et de matériaux, depuis de petites amulettes personnelles en bronze, or, ou plomb, jusqu'à de grands reliefs architecturaux ou des représentations sur mosaïques et céramiques. Leur taille et leur poids variaient selon leur fonction principale, que ce soit comme pendentif portable (légers et petits) ou comme élément fixe ou déposé (pouvant être plus grands ou lourds), mais tous partageaient l'essence d'être une représentation du phallus utilisée comme une puissante défense contre le mauvais œil et un symbole de fertilité. Le matériau le plus courant et connu pour la fabrication d'amulettes phalliques était le bronze. Il s'agissait généralement de pièces fondues. Les amulettes fascinum trouvées à Clunia sont en bronze. La valeur des matériaux a pu être un facteur pour leur dissimulation ou leur étude limitée dans le passé. Elles étaient également fabriquées en métaux précieux, comme l'argent et l'or, bien qu'elles fussent moins habituelles que le bronze. L'usage de ces matériaux plus coûteux pouvait être un indicateur de prestige social. Elles étaient aussi faites dans d'autres matériaux, considérés comme moins courants dans les publications académiques traditionnelles, mais qui pourraient être plus abondants en réalité : On a trouvé des amulettes phalliques en plomb, décrites comme "grossières" et parfois travaillées sur une seule face. Le plomb était associé à des connotations magiques liées aux divinités et esprits de l'inframonde, ce qui renforçait le caractère superstitieux de l'amulette. Une amulette phallique en plomb a été trouvée dans un complexe militaire romain tardo-républicain à El Pedrosillo (Casas de Reina, Badajoz), concentrée dans une zone spécifique à l'intérieur d'un petit fort. C'est la première découverte de fascinum directement associée à un contexte militaire en Hispanie. On a trouvé des figurines phalliques en terre cuite dans des contextes égyptiens, souvent faites au moule. Elles étaient aussi faites de pierre, os, ambre, verre et nacre. Cependant, la documentation d'amulettes phalliques en matériaux moins nobles comme le plomb, la pierre ou la céramique a été rare dans les publications, ce qui est attribué à des problèmes de recherche, un possible pillage, ou une certaine réticence académique antérieure à présenter des objets considérés comme "obscènes" ou peu dignes d'une étude rigoureuse. La variété des formes et des designs des fascinum en tant qu'objets était considérable, s'adaptant à leur fonction et support. On peut les classer en grands groupes : Amulettes Ex-voto (Susceptibles d'être portées) : Pendentifs : Ce sont les plus habituels et connus. Ils sont conçus pour être portés, généralement suspendus au cou, et présentent un anneau de suspension (communément circulaire). Ils sont suspendus à de petites chaînes ou lanières de cuir. Il en existe plusieurs types : Simple de face : Une plaque (triangulaire ou bitroncoconique) avec le phallus en position de repos sortant du centre. Le poil pubien peut être indiqué. L'anneau est perpendiculaire à la plaque. Simple de profil : Petites pièces cylindriques imitant le pénis. Elles peuvent être droites ou légèrement courbées. Elles ont des testicules à une extrémité et un gland à l'autre, indiqué de diverses manières (incision, moulure, diminution, pièce conique). L'anneau est parallèle au phallus, situé à l'extrémité des testicules ou plus centré. Un sous-type est l'amulette-marteau, où les testicules sont très marqués. Double : Combinaisons d'éléments phalliques ou apotropaïques. Les variations matérielles et typologiques étaient interprétées principalement en termes de renforcement de la fonction apotropaïque de l'amulette et d'expression du statut du possesseur. Ce n'était pas purement décoratif, mais cherchait à amplifier le pouvoir protecteur de l'amulette. Phallus/Phallus : Deux glands sortant d'un corps central. Moins courant. Higa/Phallus : Une tige, souvent courbe, avec un gland à l'extrémité droite et la "higa" ou main impudique à la gauche. La higa est un geste (main fermée avec pouce entre l'index et le majeur) qui était aussi utilisé comme amulette, unissant symboliquement les organes sexuels masculins et féminins. Triple : Probablement le type le plus représenté. Le nombre trois avait un fort symbolisme magique dans l'Antiquité et on croyait qu'il triplait ou renforçait l'efficacité protectrice de l'amulette. Trois phallus naissent d'un corps central. Deux forment un croissant de lune (généralement vers le haut) avec le bras droit comme un pénis en érection et le gauche comme la higa (ceci est important pour la reconstruction de fragments). Le troisième est un phallus frontal, habituellement au repos. À Clunia, deux amulettes phalliques ont été trouvées. L'une est un phallus triple en bronze avec la main impudique (higa) à une extrémité, un phallus de profil à l'autre, et un phallus frontal au centre, trouvé dans une pièce de la Maison numéro 120.

Amulette phallique triple des Ier–IIIe siècles apr. J.-C. en alliage de bronze au plomb, coulée selon le procédé de la cire perdue. 3,2 × 6,8 × 1,2 cm. La patine est verte avec des taches rouges. Elle provient d'un contexte funéraire, car elle présente des dépôts terreux bruns dus à l'inhumation. La surface est rugueuse et partiellement masquée par des produits de corrosion. La partie supérieure de l'anneau de suspension semble entièrement minéralisée et fragile. L'objet a été coulé à partir d'un modèle façonné directement en cire. Plusieurs lignes incisées semblent avoir été réalisées à froid. Elle est exposée aux Harvard Art Museums.

Dans les amulettes triphalliques en particulier, deux d'entre eux formaient souvent un croissant de lune. Le croissant de lune (lunula) était lui-même une amulette puissante, portée principalement par les femmes et les fillettes. Il symbolisait la fertilité, la protection et était associé à des déesses comme Diane/Artémis. Sa combinaison avec le phallus unissait le symbolisme protecteur et de fertilité masculin et féminin.

Le corps central du fascinum triple peut représenter les testicules (ce qui est habituel). L'anneau de suspension est central et parallèle. Il existe des sous-types selon la forme du corps central : avec tunique manicata (à manches), avec scrotum et pilosité pubienne, taurocéphales (tête de taureau comme corps central), avec des yeux (deux cavités circulaires dans le corps central, ajoutant le pouvoir du regard), avec des représentations d'autres animaux (comme une tête de lapin en guise de gland).

On trouve des combinaisons avec des parties arrière d'animaux (lion), des pattes ou des queues. Également avec des têtes d'animaux ou la simulation de têtes d'animaux sur le gland. Parfois, le phallus était représenté entouré ou attaquant des animaux, tels que des serpents, des scorpions, des crabes, des chiens, des chats ou des corbeaux, qui étaient considérés comme des "ennemis" du mauvais œil ou des symboles du mal que le phallus aidait à repousser. L'ajout d'animaux spécifiques pouvait lier le pouvoir du phallus aux attributs symboliques de l'animal. Par exemple, le taureau pour la fécondité et la force, le serpent pour la protection, la guérison ou la sagesse, le coq pour la vigilance, la masculinité, ou l'association avec des divinités comme Priape ou Esculape.

  • Multiple : Plus de trois phallus sortant d'un corps central. Ils ne sont généralement pas fabriqués à l'aide d'un moule. Rares comme pendentifs personnels, plus courants sur les tintinnabula ou les sculptures de divinités comme Priape ou Pan.

  • Testicules : Parfois, seuls les testicules (jumeaux) sont représentés. Ils peuvent être filiformes ou naturalistes. La partie en contact avec le corps peut être plus plate. Ils peuvent avoir des appendices pour se fixer à des surfaces.

Amulette phallique romaine en bronze (Fascinus) ; ca. Ier–IIIe siècles apr. J.-C. ; longueur : 3,7 cm.

Non-pendentifs : Ils n'ont pas d'anneau de suspension ou sont trop lourds/grands pour être portés suspendus.

  • Tintinnabula : Il était très courant de combiner des représentations phalliques avec des clochettes, notamment sur des objets suspendus comme les tintinnabula. On croyait que le son métallique produit par les cloches était particulièrement efficace pour chasser les esprits malins, les démons et les envoûtements. Le son complétait la protection visuelle du phallus, créant une défense active. On pensait que le son métallique attirait la bonne fortune. Ils étaient généralement placés aux entrées des boutiques ou des maisons.

  • De "roulette" : Plaques rectangulares en bronze avec un orifice central, un phallus à une extrémité et une main avec l'index tendu à l'autre. Suggère un objet rotatif, peut-être pour un jeu.

Le phallus pouvait également être représenté aux côtés d'armes telles que la foudre de Jupiter, le trident, le poignard ou la massue (massue d'Hercule). Cela symbolisait le phallus comme une arme puissante capable de combattre et de vaincre les forces malignes.

Représentations Fixes ou Intégrées

Les fascina étaient omniprésents dans le monde romain, présents dans les lieux les plus visibles de la cité, dans les espaces intimes du foyer, et dans l'environnement rigoureux de l'armée, reflétant la croyance généralisée dans le pouvoir protecteur de l'image phallique.

On observe des différences notables entre les fascina personnels (pendentifs) et les architecturaux, comme ceux peints sur les façades ou incrustés dans les murs, principalement en termes d'échelle, de matériau, de contexte d'utilisation et de complexité typologique, bien qu'ils partagent une fonction apotropaïque fondamentale.

Les fascina architecturaux protégeaient le bâtiment, le lieu ou le point spécifique où ils étaient situés. Ils étaient placés dans des endroits visibles comme les entrées de maisons, les portes de murailles ou les départs d'arcs pour exercer une protection contre le mauvais œil. Ils étaient considérés comme des formes de protection collectives plutôt qu'individuelles.

Les fascina architecturaux étaient intégrés aux structures des bâtiments ou des espaces publics. Il pouvait s'agir de reliefs sculptés dans des pierres de taille de murailles, de ponts, d'aqueducs, ou de linteaux de maisons. Ils existaient aussi sous forme de peintures murales, comme le célèbre grand Priape peint sur le mur de la Maison des Vettii à Pompéi, qui pesait son membre. Ces représentations étaient intrinsèquement de plus grande taille, s'adaptant à l'élément architectural qu'elles décoraient.

Les représentations phalliques sur les murailles et les édifices publics en Italie centrale disparaissent à la fin de la République. Cela indique que leur usage dans certains espaces publics n'a pas été constant dans le temps et qu'il y a eu des différences entre le centre (Italie) et d'autres provinces ou périodes ultérieures. Cela pourrait être dû à des changements dans les pratiques de construction, dans la religiosité publique, ou dans les conventions esthétiques au fil du temps et selon les régions.

Les cultures provinciales ont adapté et réinterprété les éléments romains, conservant parfois des traditions préromaines. Les différences régionales dans d'autres types de matériel culturel, comme les figurines en terre cuite en Égypte ou les mosaïques, démontrent que les préférences locales, les matériaux disponibles et les influences culturelles préexistantes, comme les hellénistiques ou puniques, ont entraîné des variations dans le style, la forme et l'iconographie des objets. Il est plausible que cela ait également affecté les représentations phalliques.

  • Reliefs sur éléments architecturaux : Sculptés directement dans les pierres de taille (sillares) des murailles, ponts, aqueducs et bâtiments. En Hispanie, on en connaît sur les murailles d'Ampurias, Cástulo et Olite. À Mérida, ils apparaissent sur le pont et l'aqueduc. Ils étaient également ciselés sur les dalles des chaussées, comme sur la Voie de l'Abondance à Pompéi. Ils apparaissent sur des pierres de taille d'édifices publics dans des lieux comme Clunia, Cordoue, Uxama, Caparra et Valeria.

    • Ils étaient placés dans des endroits très visibles (jambages de portes, départs d'arcs) pour une protection collective. Associés à des techniques de construction comme l'opus poligonale et l'opus quadratum. En Italie centrale, ces représentations sur les édifices publics disparaissent à la fin de la République.

  • Reliefs sur sculptures : Faisant partie de figures plus grandes, comme des statues de Priape ou des hermès priapiques (colonnes couronnées d'une tête et d'un phallus en érection). Également sur des figures bachiques (satyres). Ils avaient parfois une fonction décorative en plus d'être apotropaïques.

  • Éléments fonctionnels ou décoratifs : Par exemple, des porte-lampes (supports pour lampes à huile) avec des formes phalliques.

  • Stèles funéraires avec inscription : Bien que mentionnées comme une catégorie, les sources n'enregistrent pas d'exemples spécifiques en Hispanie.

  • Phallus anthropomorphe : Représentations d'un phallus avec des traits humains.

  • Représentations en peinture et mosaïque : Sur les murs (parfois à caractère obscène), la céramique et les mosaïques. Les mosaïques pouvaient être décoratives dans les maisons, les thermes ou les lupanaria. Spécifiquement, les mosaïques contre le mauvais œil incluaient souvent un phallus attaquant l'œil maléfique.

  • Reliefs gravés et incisés : Sur la céramique et surtout sur les gemmes et les bagues. Les gemmes magiques pouvaient avoir une iconographie spécifique (incluant des êtres hybrides ou des divinités) et le matériau de la gemme (souvent des minéraux opaques) avait aussi son importance pour ses propriétés rituelles ou médicinales associées.

  • Vases et modelages en argile : Vases avec des décorations phalliques. Lampes à huile (lucernae).

Poids et Tailles

Les amulettes phalliques suspendues avaient généralement des dimensions réduites et un faible poids. Cet aspect était fondamental, car elles étaient souvent portées par des enfants et ne devaient pas être trop lourdes. Le poids des pendentifs se situait généralement dans une fourchette de 5 à 30 grammes. Cependant, des amulettes en d'autres matériaux, comme l'exemple en plomb trouvé à El Pedrosillo, pouvaient être significativement plus lourdes (l'exemple cité pèse 119,5 g). Le poids plus important de ces amulettes en plomb, pierre ou céramique et l'absence d'anneau de suspension suggèrent qu'elles étaient portées d'une autre manière (par exemple, dans des sacs en tissu ou en cuir) ou qu'elles étaient destinées à être déposées dans des lieux spécifiques, plutôt que suspendues au cou.

Concernant la taille, elles oscillaient généralement entre 2 et 8 cm de largeur maximale et entre 2 et 6 cm de hauteur maximale. Les représentations architecturales étaient de grande taille et bien visibles.

Les fascinum suspendus étaient des amulettes avec une iconographie variée, centrée sur des représentations du phallus, simple, double, triple (avec des sous-types comme des yeux, taurocéphales, ou animaux), multiple, testicules seuls, ou ailés.

Les fascina et le symbolisme phallique associé étaient des composants récurrents dans les rituels romains marquant les transitions vitales importantes. Ils agissaient principalement comme de puissants protecteurs contre le mauvais œil et les influences négatives qui pouvaient menacer les individus dans les moments de changement et de vulnérabilité (naissance, entrée dans la vie adulte) ou la communauté face aux forces de la mort.

Les représentations phalliques apparaissaient également sculptées sur les stèles funéraires, indiquant leur présence symbolique dans le contexte funéraire, possiblement comme protection ou symbole de vie/régénération face à la mort.

Les Lemuria (9, 11 et 13 mai) étaient des rites pour apaiser les esprits malins (lemures). Le pater familias accomplissait un rituel apotropaïque nocturne pour expulser ces esprits, qui incluait de faire tinter un objet en bronze et de faire le geste de la higa (main figue), un geste également associé au fascinum comme élément protecteur. Cela lie le symbolisme apotropaïque du phallus aux rites destinés à contrôler les esprits agités des morts.

Iconographie des Pendentifs (Récapitulatif)

L'iconographie et les représentations des fascinum suspendus sont variées :

  • Simple : Une unique représentation du phallus, mais elle pouvait être représentée de face, montrant le phallus, parfois avec testicules ou pilosité pubienne, ou de profil, imitant un pénis cylindrique, droit ou courbe.

  • Double : Combinant deux éléments, qui pouvaient être Phallus/Phallus, deux pénis sortant d'un centre, ou bien Higa/Phallus, c'est-à-dire une tige cylindrique, souvent courbe, qui se termine par un gland à une extrémité et la higa (main figue) à l'autre. La higa (poing fermé avec le pouce entre l'index et le majeur) était en soi un geste et une amulette apotropaïque, cherchant à unir symboliquement les organes sexuels masculins et féminins. Elle était souvent combinée à des représentations phalliques.

  • Triple : C'était un type très représenté. D'un corps central naissent trois phallus. Deux phallus forment un croissant de lune, souvent tourné vers le haut. L'un représente le bras droit (pénis en érection), et l'autre le bras gauche (la higa ou main impudique). Le troisième phallus est frontal, similaire à celui du type simple de face, généralement non dressé. Le corps central peut ou non marquer les testicules.

  • Multiple : Plus de trois phallus naissant d'un corps central étaient moins courants comme pendentifs personnels, mais plus fréquents sur les tintinnabula (clochettes) ou les sculptures.

  • Sous-types (basés sur le corps central) :

    • Avec des yeux : Le corps central présente deux cavités circulaires simulant des yeux. Cela renforçait le caractère apotropaïque en combinant le pouvoir du phallus et le regard protecteur pour lutter plus efficacement contre le mauvais œil. Un exemple de Clunia présente un phallus simple avec un œil sous les testicules.

    • Taurocéphales : Le corps central a la forme d'une tête de taureau, qui pouvait être avec une tunique manicata, cum scroto pubique ou avec des représentations d'autres animaux. Le gland peut simuler la tête d'un animal, comme un lapin, tel l'exemplaire visible au Musée de Cordoue.

Pour renforcer cette fonction protectrice et le symbolisme du fascinum, il était souvent combiné à d'autres éléments iconographiques sur les amulettes. Ces combinaisons cherchaient à amplifier le pouvoir apotropaïque du phallus ou à ajouter des couches de protection symbolique. Les éléments les plus courants accompagnant le phallus sur les amulettes et les fonctions attribuées étaient :

  • Testicules : Parfois, seuls les testicules étaient représentés, souvent jumelés. Ils soulignaient la fertilité, bien qu'avec une moindre emphase apotropaïque.

  • Ailés : Représentations de phallus avec des ailes, qui pouvaient symboliser la vitesse à laquelle l'amulette agissait pour éloigner le mal ou la capacité du phallus à "voler" et attaquer la menace. Ils pouvaient aussi être associés à des divinités ailées comme Mercure/Hermès, qui était souvent représenté avec un caducée, un symbole pouvant avoir des connotations phalliques.

Pendentif phallique romain en bronze, Ier–IIe siècles apr. J.-C., trouvé par des détectoristes à Rochester, Kent, Angleterre.

L'iconographie du fascinum faisait partie d'un répertoire plus large d'images protectrices qui incluait des clochettes en forme de phallus, des animaux phalliques, des images attaquant des yeux (comme symbole de protection contre le mauvais regard), la tête de Méduse ou de nains (considérés comme grotesques mais apotropaïques), et des figures comme Priape avec son énorme phallus.

Cette iconographie illustrait visuellement la fonction protectrice du phallus. Certaines amulettes phalliques pouvaient avoir des cavités circulaires simulant des yeux sur le corps central, peut-être pour doter l'amulette de la capacité de "voir" et de contrer le mal.

Les représentations des fascinum ne se limitaient pas aux amulettes suspendues personnelles, car elles pouvaient apparaître sur des éléments architecturaux : Les phallus étaient sculptés directement sur des pierres de taille (sillares) de murailles, ponts, aqueducs et autres édifices publics, souvent dans des endroits très visibles. Cette visibilité indiquait l'intention de ne pas les cacher, mais de les exposer au regard, confirmant leur caractère prophylactique et apotropaïque collectif. Ils apparaissaient également ciselés sur les dalles des chaussées. En Italie centrale, ces représentations sur les édifices publics disparurent à la fin de la République, servant de terminus ante quem pour leur datation. Clunia, par exemple, conserve une pierre de taille avec des reliefs phalliques sur deux de ses faces, suggérant sa mise en place à l'angle d'un grand bâtiment avec une fonction protectrice pour l'ensemble.

Hic habitat felicitas. Ici demeure la félicité. Ce fascinum de Pompéi, comme dans d'autres villes romaines, assumait la sexualité sans hypocrisie ni préjugés, exprimant pleinement la joie de vivre au quotidien.

Ils pouvaient également apparaître sur des sculptures :

  • Priape : Ce dieu, connu pour son énorme phallus, était le gardien des potagers et des jardins. Il était représenté en statues, souvent grotesques ou grossières (surtout dans les descriptions littéraires, en bois), placées à l'entrée ou au centre de ces espaces pour protéger les cultures et chasser les bêtes nuisibles. Parfois, la représentation de Priape incluait d'autres symboles, comme le fait de peser son phallus contre de l'argent et des fruits, symbolisant la protection et la fortune familiale.

  • Hermès : Sculptures protectrices, typiquement des piliers surmontés d'une tête (souvent d'Hermès) et d'un phallus proéminent. Ils étaient placés aux carrefours, aux entrées des maisons, dans les gymnases ou les palestres. Dans l'Athènes de Périclès, les hermès dans les rues avaient des phallus "démesurés" où l'on accrochait des guirlandes pendant les fêtes, protégeant ainsi les passants.

  • Autres Figures Sculpturales : Elles incluaient des figures bachiques comme les satyres, parfois avec des représentations phalliques. Il existait aussi des "phallus anthropomorphes". Certaines sculptures avaient un usage fonctionnel, comme les lampadaires (porte-lampes) avec des éléments phalliques.

Ils pouvaient aussi se trouver dans les peintures et les mosaïques. On les trouvait sur les peintures murales, les céramiques et les mosaïques. Certaines de ces représentations picturales pouvaient avoir un caractère plus explicitement obscène, distinct de la fonction apotropaïque, bien qu'à Pompéi, même des scènes de sexe en groupe pouvaient avoir pour fonction de générer la joie et d'éloigner le mauvais œil. Dans les mosaïques, notamment dans les images du "mauvais œil attaqué" (où un grand œil central est agressé par divers éléments), le phallus était l'un des agresseurs, symbolisant la protection. Les mosaïques sur les seuils pouvaient également inclure des images phalliques.

Les tintinnabula, qui avaient souvent la forme d'un phallus ou dont pendaient des phallus, étaient placés à l'entrée des boutiques ou des maisons, et l'on croyait que le son métallique des clochettes était efficace pour chasser les envoûtements et attirer la bonne fortune.

Il existait aussi des lucernae (lampes à huile) décorées de motifs phalliques.

On fabriquait de la céramique avec des décorations phalliques, qu'elles soient incisées ou moulées.

On réalisait aussi des graffitis, des images phalliques dessinées sur les murs, combinant parfois des lettres ou des symboles pour représenter le phallus et les testicules.

Dans certains cas, les récipients à parfums avaient la forme d'un buste (parfois éthiopien ou nubien) qui portait une amulette phallique suspendue au cou. Bien que cette amulette fût un pendentif, elle faisait partie d'un objet plus grand (le récipient) et non d'une amulette personnelle.

La diversité de ces représentations montre à quel point le symbolisme du phallus était répandu comme élément protecteur et de bonne fortune dans la société romaine, au-delà des amulettes personnelles, s'intégrant à l'environnement public et domestique pour contrer le mauvais œil, l'envie et les mauvais esprits.

Bien que le symbole du fascinum soit intrinsèquement masculin et fortement associé à la virilité et à la fertilité, sa fonction apotropaïque contre le mauvais œil et l'infortune a transcendé ces associations. Il était utilisé de manière généralisée dans la société romaine, touchant diverses classes sociales, et constituait une pratique courante dans les espaces publics, privés et militaires. Il était particulièrement associé à la protection des enfants et jouait un rôle significatif dans les cultes religieux féminins à travers les Vestales. Par conséquent, loin d'être strictement limité à un groupe, le fascinum était un élément culturel et religieux omniprésent, avec des associations particulières dans des contextes de vulnérabilité (enfance) et de pouvoir (militaire, sacerdotal).

Bien qu'une attribution traditionnelle ait lié les amulettes phalliques aux chefs militaires et aux enfants, il s'agissait d'un type d'amulette d'usage généralisé dans la société. On considère logique que, s'ils étaient habituels parmi les chefs militaires (possiblement comme marque de prestige), leur usage se soit étendu.

Alors que les amulettes infantiles étaient très axées sur la protection de base de la vie vulnérable de l'enfant et associées aux rites de passage, les amulettes pour adultes couvraient un éventail plus large de fonctions (chance, prospérité, guérison, etc.) et se manifestaient sous une plus grande variété de formes, de tailles et de contextes, y compris les espaces publics et militaires, reflétant les différents risques et rôles sociaux de la vie adulte. Cependant, la croyance sous-jacente au pouvoir apotropaïque de certains symboles comme le phallus était une constante dans les deux groupes.

L'omniprésence et la diversité des contextes d'utilisation des fascina soulignent également leur importance en tant que symbole fonctionnel profondément intégré à la vie romaine, utilisé pour invoquer la protection, la fertilité et la bonne fortune dans de multiples sphères, du personnel et domestique au public et rituel.

L'évolution la plus significative fut la transformation de son statut religieux avec l'arrivée du christianisme, passant d'un élément culturel protecteur accepté, ayant même un culte officiel, à une pratique marginale et condamnée comme sortilège païen, bien que son usage ait perduré pendant des siècles.

Le fascinum, avec sa fonction apotropaïque et de fertilité, a survécu dans ses formes et fonctions dans la culture populaire durant l'Antiquité tardive et au début du Moyen Âge. Bien que formellement condamné par la hiérarchie chrétienne comme superstition ou magie, son usage a persisté, comme le démontrent les plaintes de Saint Basile et les documents médiévaux. Son symbolisme de fertilité et de protection s'est maintenu dans les pratiques populaires, parfois tolérées ou syncrétisées avec le nouveau culte, reflétant l'enracinement profond de ces croyances ancestrali dans l'inconscient collectif et l'adaptabilité de la religiosité populaire face aux changements officiels.

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Martínez García, José Javier. Magia y brujería en el Mundo Antiguo. Archaeopress, 2024.

Néraudau, Jean-Pierre. Etre enfant à Rome. Les Belles lettres, 1984.

 

© Del texto: Andrés Nadal, 2025.

© De las fotografías: Andrés Nadal, 2025.

© De la publicación: La Casa del Recreador, 2025.

 

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